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Fondation canadienne de l’allaitement maternel

Les coliques et le bébé allaité

Les coliques sont un des mystères de la nature. Personne ne sait vraiment ce qu’elles sont mais chacun a une opinion. Habituellement, les périodes de pleurs débutent quand le nourrisson a deux ou trois semaines, se produisent surtout en soirée et prennent fin vers l’âge de trois mois, parfois plus tard. Quand le bébé pleure, il est inconsolable, mais s’il est porté, bercé ou baladé en voiture, il peut se calmer temporairement. Pour qu’on dise que c’est un « bébé à coliques », le nourrisson doit avoir un gain de poids normal et être par ailleurs en santé.

La définition des coliques a été élargie pour englober presque tous les caprices et les pleurs d’un bébé et ce n’est pas forcément à tort, puisqu’on ne sait pas vraiment ce que sont les coliques. Il n’existe aucun traitement contre les coliques; nombre de médicaments et de stratégies ont été mis à l’essai, sans résultat prouvé. Tout le monde connaît le cas d’un bébé à coliques qu’une méthode a pu «guérir». Mais on sait aussi que presque tous les traitements semblent fonctionner, du moins de façon provisoire.

Le bébé allaité à coliques

À part les coliques pouvant toucher n’importe quel bébé, trois causes peuvent donner des coliques au bébé allaité ou le rendre irritable. Encore une fois, on présume que le bébé a un gain de poids normal et qu’il est en santé.

Deux seins par tétée

Le lait maternel change pendant une tétée. Un des changements est l’augmentation de la concentration de gras à mesure que le bébé draine le lait du sein. Si la mère change de sein automatiquement, avant que le bébé ait bu le lait gras de fin de tétée, il recevra moins de gras que s’il avait « fini » le premier sein. Il en résulte que le bébé consomme moins de calories et demande donc à boire plus fréquemment. Si le nourrisson prend une grande quantité de lait (en compensation pour le nombre réduit de calories), il risque de régurgiter. Comme le lait est relativement moins gras, l’estomac se vide rapidement et une grande quantité de sucre (lactose) arrive dans l’intestin. L’enzyme qui digère le lactose, la lactase, ne suffit pas à la tâche et le bébé peut présenter des symptômes d’intolérance au lactose, c’est-à-dire avoir des gaz, pleurer et même passer des selles explosives, très liquides et vertes. Cela peut même se produire pendant la tétée. Ces bébés ne sont pas intolérants au lactose. Ils ont des problèmes avec le lactose à cause de l’information que reçoivent leurs mères au sujet de l’allaitement. Ce n’est pas une raison pour adopter le lait artificiel sans lactose.

  1. Ne pas minuter les tétées. Des mères de partout dans le monde allaitent avec succès sans savoir l’heure. Les problèmes d’allaitement sont plus fréquents dans les sociétés où tout le monde a une montre et plus rares là où personne n’en a.
  2. Offrir le premier sein tant et aussi longtemps que le bébé tète et avale (visionnez les vidéos), jusqu’à ce qu’il le laisse de lui-même ou qu’il s’endorme. Si le bébé tète seulement pendant une courte période, la mère peut utiliser la technique de compression du sein (voir article n° 15, Compression du sein) pour qu’il continue à boire, et non uniquement téter. Notez qu’un bébé peut être au sein pendant deux heures, sans se nourrir et sans avoir tété plus de quelques minutes. Dans ce cas, le lait pris peut être relativement faible en gras. La technique de compression du sein est alors conseillée. Si le nourrisson a encore faim après avoir « fini » de téter au premier sein, offrir alors le second. Ne lui refusez pas le deuxième côté s’il a encore faim.
  3. À la tétée suivante, la mère peut commencer par l’autre sein en procédant de la même façon.
  4. Les seins de la mère s’adaptent rapidement à cette méthode et aucun engorgement ni déséquilibre ne devrait en résulter.
  5. Aucune « règle » n’oblige la mère à offrir les deux seins, pas plus qu’à offrir un seul sein par boire. Laisser le bébé vider le premier sein, au besoin en le stimulant à boire plus longtemps par la technique de compression du sein, mais s’il en veut plus, lui donner l’autre sein.
  6. Dans certains cas, il peut être utile de nourrir le bébé avec le même sein plus d’un boire de suite, avant d’offrir le second sein de la même façon.
  7. Le problème peut s’aggraver si le bébé n’a pas une bonne prise du sein. La bonne prise est la clé d’un allaitement facile.

Le réflexe d’éjection puissant

Un bébé qui reçoit trop de lait trop rapidement peut devenir très irritable au sein et peut parfois être considéré un « bébé à coliques ». Dans ce genre de cas, le bébé a un très bon gain de poids. Typiquement, quelques secondes ou quelques minutes après avoir commencé à téter, il se met à tousser, s’étouffe et semble vouloir s’écarter du sein. S’il lâche prise, le lait jaillit. Par la suite, le bébé peut redemander le sein fréquemment mais se montrer capricieux et le manège se répète. Il sera irrité lorsque le débit est fort et impatient lorsqu’il faiblit. Les tétées deviennent une expérience frustrante tant pour la mère que pour le bébé. Dans quelques rares cas, un bébé peut même refuser le sein après quelques semaines (souvent vers trois mois).

  1. Si ce n’est déjà fait, essayer de n’offrir qu’un seul sein par tétée. Dans certains cas, il faut offrir le même sein pour deux ou même trois boires avant d’offrir l’autre. En cas d’engorgement du sein non utilisé, extraire juste assez de lait pour soulager l’inconfort.
  2. Donner le sein avant que le bébé soit affamé. Ne pas retarder les boires en donnant de l’eau (un bébé allaité n’a pas besoin de supplément d’eau même pendant les grandes chaleurs) ou une suce. Un bébé affamé se jettera sur le sein, provoquant un réflexe d’éjection encore plus puissant. Mettre le bébé au sein dès qu’il montre des signes de faim. S’il est encore endormi, tant mieux.
  3. Choisir un endroit calme et reposant pour allaiter, si possible. La musique forte, la lumière aveuglante et beaucoup de mouvement ne sont pas propices à une tétée satisfaisante.
  4. Allaiter couchée peut parfois beaucoup aider. Si la position couchée sur le côté n’aide pas, essayer de se coucher sur le dos et allaiter le bébé sur soi. La gravité diminue le débit de lait.
  5. Si rien ne presse, exprimer un peu de lait (environ une once ou 30 ml) avant d’allaiter. N’essayez pas ceci en premier lieu.
  6. En plus de ne pas aimer un débit rapide, le bébé peut s’impatienter lorsque le débit faiblit trop. S’il semble que ce soit le cas, essayer la technique de la compression du sein (voir l’article n° 15, Compression du sein) pour conserver un bon débit.
  7. Le problème peut s’aggraver si le nourrisson n’a pas une bonne prise du sein. La bonne prise est la clé de l’allaitement facile.
  8. À l’occasion, on peut donner de la lactase commerciale (l’enzyme qui métabolise le lactose) pour soulager les symptômes, à raison de 2 à 4 gouttes avant chaque boire. Ce produit est disponible sans ordonnance, mais il est coûteux et ne fonctionne pas toujours.
  9. Une téterelle peut parfois aider. Ne l’utiliser que si rien d’autre n’a fonctionné et seulement si l’aide d’une personne compétente ne donne pas de résultat. C’est votre avant-dernier recours.
  10. En dernier recours, plutôt que de donner des laits artificiels, extraire son lait et en donner au bébé, au biberon.

Protéines étrangères dans le lait maternel

On a démontré que certaines protéines présentes dans le régime alimentaire de la mère peuvent être excrétées dans le lait maternel et peuvent affecter le bébé. Il semble que la plus commune soit celle du lait de vache. D’autres protéines peuvent aussi être excrétées dans le lait maternel. Leur présence, de même que celles d’autres substances, n’est pas une mauvaise chose en soi et est même positive, puisqu’elle aide à désensibiliser le bébé aux protéines étrangères. Consulter une spécialiste pour toute question à ce propos.

C’est pour cela que dans le traitement des bébés à coliques, on demande notamment à la mère de cesser de consommer des produits laitiers ou autre, mais seulement un type d’aliment à la fois. Les produits laitiers incluent le lait, le fromage, le yogourt, la crème glacée et tout ce qui contient du lait. Quand la protéine du lait est modifiée (dénaturée), comme par la cuisson, il ne devrait y avoir aucun problème. Consulter un spécialiste pour toute question à ce sujet.

Si l’élimination de certains aliments ne donne aucun résultat, la mère peut prendre des enzymes pancréatiques (1 capsule à chaque repas pour commencer), afin de dissoudre les protéines dans ses intestins pour qu’elles ne puissent pas être absorbées dans son corps et apparaître dans le lait.

Note : L’intolérance à la protéine du lait n’a aucun rapport avec l’intolérance au lactose. Une mère elle-même intolérante au lactose devrait elle aussi allaiter son enfant.

Méthode suggérée :

  1. Éviter tout produit laitier pendant 7 à 10 jours.
  2. S’il n’y a eu aucun changement, réintroduire à nouveau les produits laitiers.
  3. S’il y a eu amélioration, ne reprendre que graduellement cette consommation, si les produits laitiers font partie de son régime alimentaire habituel. La mère n’a pas besoin de boire elle-même du lait pour produire du lait maternel. Certains bébés ne tolèrent aucun produit laitier dans l’alimentation de leur mère. La plupart en tolèrent un peu. La mère apprendra quelle quantité de produits laitiers elle peut consommer sans que son nourrisson réagisse.
  4. Si la quantité de calcium absorbée par la mère est insuffisante, elle peut en trouver ailleurs que dans les produits laitiers. 7-10 jours sans produits laitiers ne causeront pas de problèmes nutritionnels. En fait, on a constaté que l’allaitement protège la mère contre l’ostéoporose même si elle ne prend pas de suppléments de calcium. Et le bébé recevra quand même tout ce dont il a besoin.
  5. La prudence est de mise lors de l’élimination de produits du régime alimentaire. Il ne faut pas éliminer trop d’aliments à la fois. Tout le monde connaît une mère dont le bébé s’est porté mieux lorsqu’elle a cessé de manger du brocoli, du boeuf, des bananes, du pain, etc. La mère pourrait finir par ne plus manger que du riz blanc! Nos régimes sont trop complexes pour qu’on puisse savoir exactement ce qui affecte le bébé.

Il faut être patient : le temps arrangera les choses, quoiqu’on fasse. Les laits artificiels ne sont pas la solution. Certains bébés se porteront mieux à cause du débit plus régulier de la tétine du biberon, mais les laits artificiels ne sont pas du lait maternel. D’ailleurs, le bébé pourrait aller mieux si on lui donnait du lait maternel dans un biberon, à cause de la régularité du débit. Si rien ne fonctionne, dites-vous que le temps fera son oeuvre. Les jours et les nuits peuvent sembler interminables, mais les semaines s’envolent.

Visionnez les vidéos démontrant comment faire la mise au sein, comment savoir que le bébé reçoit du lait, et comment faire la compression.


Traduction du feuillet n° 2, « Colic in the Breastfed Baby ». Révisé en janvier 2005 par Jack Newman, MD, FRCPC © 2005

Version française, février 2005, par Stéphanie Dupras, IBCLC, RLC

Peut être copié et diffusé sans autre autorisation, à condition qu’il ne soit utilisé dans aucun contexte où le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel de l’OMS est violé.